mardi 6 décembre 2011

Le Pardon, comme un exercice

Dans un livre que j'ai lu récemment, "la cabane", on explique que pardonner c'est cesser de couloir sauter à la gorge de l'autre pour l'étrangler (cela c'est une image qui me parle), puis à un autre moment il est demandé à celui qui est la victime de dire à l'auteur du mal: "je te pardonne" de le dire et de le redire.

Sur un forum chrétien(évangélique) j'avais posté un billet sur le procès du frère Pierre Etienne* et j'avais reçu une réponse lapidaire d'une des administratrices du forum, à la limite de la correction. Inutile de dire que cela a provoqué chez moi une colère intense: si elle avait été en face de moi, toute handicapée qu'elle soit, elle aurait pris ma main dans la figure **. Je me suis raisonnée, j'ai pensé qu'il pouvait être important de vivre ce que je ressentais comme une humiliation en me disant que c'est une bonne chose et que je pouvais dire merci. Ce n'était pas le merci de la louange (merci Seigneur, parce que tu sais ce qui est bon pour moi) c'était merci de me faire un tout petit vivre ce que Toi, Tu as vécu (en fait je pensais à l'épisode du procès Jn18 quand Jésus reçoit une gifle), mais bon, ça grognait quand même pas mal en moi.

Cela de fait me taraudait encore et encore. Alors avant de m'endormir j'ai essayé de dire, de redire, de re re dire: "je te pardonne X". Puis mon naturel a repris le dessus et comme Jonas avec son ricin, je trouvais que j'avais bien raison d'être en colère, même si compte tenu de la manière dont cette personne écrit sur le forum, je pouvais me dire que son agressivité est peut être "maladive" du style stress post traumatique, ce qui pouvait me permettre de changer mon regard et d'avoir (un peu) de compassion. Mais une disqualification c'est toujours difficile à vivre et à accepter: cela ramène toujours à des blessures et ça fait mal.

Mais même si j'ai encore dit "je te pardonne" (et je trouve que cette phrase est importante, car quand je dis "je" je m'engage moi, ce n'est pas un pardon remis à Dieu, c'est le mien, même s'il m'arrache la bouche), je me suis endormie en pestant contre cette manière d'agir.

Le lendemain une amie qui est sur le même forum, m'écrit et me signale que le titre du billet a été changé. Du coup je vais voir et je constate à ma grande joie qu'une autre administratrice a changé effectivement le titre en tenant compte de ma suggestion.

Je crois que cela se passe de tout commentaire. Simplement maintenant je peux dire dans mon coeur à cette personne, non pas "je te pardonne" mais "je t'ai pardonné", ce qui est encore autre chose.

Alors peut être que cet exercice, car c'en est un, est un exercice nécessaire et qu'il est très positif. En tous les cas outre la joie d'avoir été reconnue par une autre, il y a surtout le plaisir de ne plus me sentir bouffée par cette colère. Je reconnais aussi qu'il s'agit d'une toute petite chose. encore aujourd'hui quand on lit la phrase sur "la charité qui pardonne tout, excuse tout", au fond de moi je me demande si elle peut pardonner l'inceste et tout ce qui tue l'être humain en le réduisant à l'état d'objet. Mais là c'était quelque chose comme une offense ordinaire.

* Le procès de cet homme, qui était dans la communauté des béatitudes pour attouchements sur mineurs vient de se terminer par une condamnation à 5 ans de réclusion.

** Dans ce genre de situation, je ne réponds jamais pas écrit le jour même, je me laisse toujours du temps. Ceci explique que je n'ai pas répondu sur le forum, ni par mp.

2 commentaires:

AlainX a dit…

Dans l'ignorance du contenu concret de l'échange, difficile de porter une appréciation sur la « légitimité » de ton intervention. Mais je vais faire l'hypothèse qu'elle était justifiée.
Il y a parfois des colères non seulement légitimes, mais nécessaires. Ce que tu dis d'ailleurs le « bien raison d'être en colère ». Certes, on peut vérifier auprès d'autres la bonne raison, se faire « auditer », mais souvent on ressent au fond de soi cette légitimité.
La rebellion, voir la mauvaise foi, de celui qui a reçu la colère et réagit avec sa propre exagération, peut-être compréhensive.
Mais qu'en est-il alors du pardon ?
On peut comprendre et excuser.
Mais pardonner ? Pardonner quoi ?
Je m'interroge…

Il est vrai que pour moi le pardon est chose complexe.
Dans mon enfance, ma mère exigeait sans cesse que je demande pardon à genoux pour des broutilles et des vétilles, qui n'avaient d'autres objets que d'essayer d'attirer son attention, pour qu'enfin elle s'occupe de moi un minimum…
Parfois j'abdiquais. parfois je me rebellais. La regardant droit dans les yeux, et disant avec force : je n'ai rien fait de mal !
C'était à qui céderait en premier. Je me targue d'avoir remporté quelques victoires !
Tout ça pour dire que le pardon c'est une démarche assez embrouillée en moi.
Il faut qu'il y ait eu une atteinte profonde. Je dirais presque que l'on ait cherché à profaner quelque chose d'essentiel en moi, pour moi.
L'autre n'a pas voulu forcément qu'il en soit ainsi, il en a pas eu forcément la conscience.
Pour que je puisse pardonner, c'est-à-dire me libérer aussi moi-même, il me faut du temps… Beaucoup de temps…
il y a là pour moi quelque chose d'un temps incompressible…
Un jour cela se fait. Un peu comme on cueille un fruit mûr.
Alors la relation est rétablie. Restaurée.

Anonyme a dit…

Oui, pas facile, je n'ai pas u ce forum dont tu parles, mais le pardon pour des choses grave comme l’inceste que tu nommes, c'est difficile, tout le monde ne peut pas pardonner!!!
je pense en effet que comme le dit Alain, il y a différents stades, pour ma part j'aimerais ajouter la révolte en premier, puis ensuite, oui comprendre, excuser, après............on peut avoir le désir de pardonner, ou pas!
"L'autre n'a pas voulu forcément qu'il en soit ainsi, il en a pas eu forcément la conscience."
Merci Alain, cela m'aide a accepter que l'on m'ait fait du mal.
merci Catherine de toute cette réflexion suite à cette humiliation.
5 ans de prison pour tant d'enfants, je crois que cela a été calculé à 3 mois par enfant, pfft.......
MC