jeudi 24 mai 2012

Etre consolée: un peu de mon enfance.

Ce matin sur le site"prier.be"j'ai lu cette phrase tirée du prophète Isaïe: "Comme celui que sa mère console Moi aussi, je vous consolerai (Is 66, 13).
Ceci dit la phrase n'est pas complète. Le verset se termine par: "A Jérusalem  vous serez consolés".


Ce qui veut dire que la consolation vient après les épreuves d'une punition liée à l'infidélité (du moins c'est l'interprétation qui est faire). Si on prend au pied de la lettre, on pourrait presque dire: "mon peuple tu t'es détourné de moi, tu m'as offensé alors je t'ai puni en de déportant". Ton épreuve, est ta punition. Là ce serait le côté masculin de Dieu qui se manifesterait. Cette punition, cette épreuve ayant (peut -être) provoqué un changement dans la relation, alors le côté féminin (maternel) lève la punition et annonce de fait le retour à Jérusalem. C'est le dernier chapitre du livre d'isaïe qui annonce le retour et aussi la destruction des ennemis. 



Pour moi, on a besoin d'être consolé quand on vit quelque chose de dur, quand on a mal, quand on est confronté au manque. La punition qui s'arrête ce n'est pas cela la consolation.  


Mais quand j'ai lu cette phrase (tronquée) elle m'a fait choc car je  n'ai aucun souvenir d'avoir été consolée par ma mère, je dirais même que j'ai l'impression d'avoir essayé (ou même dû) moi la consoler (en particulier quand mon père avait été odieux avec elle) mais moi être consolée, je n'ai pas de souvenirs (ce qui ne veut pas dire que ce ne soit pas arrivé). Je crois que dans ma famille, on console les autres en étant "gentil avec eux", en leur faisant de bons trucs à manger (l'oralité a une grande place pour se consoler: ma maman quand j'étais en internat m'envoyait régulièrement des petits colis remplis de bonnes choses) , en ayant de bonnes notes à l'école (la fierté cela répare), mais on ne parle pas de ce qui a fait mal. Donc a priori pas de gestes et peu de paroles en lien avec ce qui s'est produit et qui est une souffrance ou une douleur.

Je dirai même lorsque quelque chose m'arrivait du style chute, blessure, maladie,la première réaction de ma mère était de se sentir agressée par ce qui m'arrivait et donc de m'en rendre responsable. Cela se passait comme si c'était de ma faute, et aujourd'hui je dirai que c'est peut être de cela donc j'aurais besoin d'être consolée. Le jour où je me suis rendue compte que sur un chemin de montagne je n'étais pas la seule à buter contre les pierres a été un jour béni. j'avais tellement entendu "regarde où tu mets les pieds" que j'étais persuadée que c'était de ma faute si je me cognais.   



j'ai l'impression d'avoir appris très vite à me consoler. Je me souviens (et là c'est avant les 4 ans) avoir installé dans le coin où j'étais censée aller quand j'avais fait une bêtise un certain nombre de poupées, ce qui était un bon moyen de me consoler. je dois dire que je suis très fière d'avoir inventé cela. 

Et puis, j'appartiens je crois à une génération où on nous habituait à marcher sur le douleur. Je me vois encore à 7 ans, tomber, m'esquinter le genou, saigner, prendre un mouchoir et le mettre sur le genou, sans en faire un plat, sans même pleurer et même me débrouiller pour que cela ne se remarque pas.  Et pleurer pour ce genre de chose, il ne fallait pas trop, cela ne se faisait pas. 


C'est peut être pour cela que j'ai tellement de mal à prendre spontanément les gens dans mes bras, même s'ils le demandent. En fait je ne sais pas si ma mère était heureuse d'avoir le gros bébé que j'étais dans les bras. Et pourtant moi, j'ai tellement aimé ce temps où je pouvais porter et tenir mes enfants contre moi, juste à la bonne distance (enfin je l'espère) en fonction de ce que je ressentais de leur corps. Consoler un enfant qui a mal, le voir se détendre, retrouver le sourire quelle joie. Maintenant, on peut consoler quelqu'un avec des mots, pas seulement avec des bras. Et là, normalement je pense savoir (au moins un peu) savoir faire.

Etre consolé c'est avoir soit en dehors de soi, soit en soi quelqu'un qui vous écoute, qui vous supporte, qui vous prend en considération, qui vous respecte et qui ne vous juge pas et qui vous aime.  


Il m'est revenu un autre événement de mon enfance, un événement où il eut été important que je puisse être consolée, seulement j'étais seule avec mon père, j'étais remplie de honte par ce que je venais de faire et ma mère était à des kilomètres. J'avais juste 8 ans, je passais mes vacances en Suisse dans un vrai château. Il y avait les invités (beaucoup d'artistes) et le personnel. J'étais la seule enfant et du coup j'étais fort contente d'avoir trouvé le fils de la cuisinière pour jouer avec lui. D'une certaine manière je me sentais plus proche de ce "petit monde" que de ce "beau monde" où mon père se mouvait avec joie. Moi je m'y sentais mal. 


Un soir nous avons joué à envoyer des pierres sur une cible, mais hélas la pierre a atteint le garçon en question qui a pleuré et a été blessé. Alors pour moi ça a été la panique. Je m'en suis voulue terriblement, et je me suis sauvée dans ma chambre, sans rien dire à personne. Je me suis couchée en larmes sans voir qui que ce soit (et personne d'ailleurs ne s'est ému de ne pas me voir). 


Le lendemain j'ai juste su que la cuisinière ne voulait plus que la "petite demoiselle" parle à son fils. Alors oui, je crois que j'aurais voulu être consolée, que quelqu'un me dise que certes j'avais fait mal à cet enfant, mais que je ne l'avais pas fait exprès (quoiqu'en dise Papa Freud et les actes manqués, parce qu'on peut toujours tout interpréter), que je n'étais pas méchante, que je n'étais pas nulle. Peut être qu'il aurait fallu que j'aille au moins m'excuser de ce geste malencontreux, bref mettre des mots. 


Etre consolée c'est être entendue. Etre consolée c'est pouvoir dire ou ne pas dire, c'est pouvoir expliquer ou ne pas pouvoir expliquer, c'est ne pas être jugée, même si l'acte en soi peut être répréhensible.C'est surtout ne pas être seul. 


Si j'aime autant le chat de de Kipling  (les histoires comme ça) "qui va seul par les sentiers mouillés" c'est peut être parce que même si aujourd'hui je ne suis plus seule quand il m'arrive quelque chose, je l'ai été dans l'enfance et que cela marque considérablement.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour
J'ai l'impression que nos mères se ressemblaient beaucoup, cette non écoute de la souffrance de l'enfant, cet énervement en cas de maladie, la mienne me giflait.Je me pose souvent des questions sur la mère que j'ai été!!!
Je crois que j'ai presque toujours été là pour consoler mes enfants, quand ils étaient petits toujours bien.
C'est la première fois que je te lis sur ton enfance, merci.
Bisous
MCM