mardi 11 juin 2013

Impuissance

Il m'arrive professionnellement parlant d'être confronté à l'impuissance: je ne peux rien faire pour la personne qui me parle, elle est hermétique, enfermée dans son histoire, dans ses répétitions et dans la mort.

Je peux me dire que cette impuissance, elle me la fait vivre ce qui lui permet peut être de s'en débarrasser un peu, de la projeter en moi si on peut dire, de manière à ce que par la suite moi je fasse quelque chose de ce vécu, que je n'en meurs pas et que je puisse le restituer sous une forme de vie et non de mort. Mais ce que je ressens aussi c'est une sorte de paralysie, qui est celle que son vécu de personne ayant subi l'inceste lui a fait vivre et qui d'une certaine manière l'a façonnée ainsi.

Alors j'ai pensé à Jésus sur sa croix, car là il est totalement impuissant. Et je pensais qu'il aurait pu se sauver, car quand les prêtres disent: qu'il se sauve lui-même, qu'il descende de sa croix et alors nous croyons en lui, il aurait pu le faire, mais il a choisi de ne pas le faire.

Il aurait pu se sauver, mais s'il avait fait cela il n'aurait pas sauvé la multitude et il était venu pour ça.

Alors peut être que pour moi, accepter cette impuissance, c'est ne pas me donner un certain pouvoir (ce serait tellement bien si je pouvais faire), mais accepter d'attendre patiemment le temps qu'il faudra pour que en passant par une certaine mort de ce que je suis, une vie puisse renaître en cette personne, mais cela c'est un sacré acte de foi.

1 commentaire:

AlainX a dit…

Existe-t-il un thérapeute qui ne connaisse pas cette impuissance dont tu parles ?
Cela m'a évoqué un souvenir.
J'ai accompagné un homme pendant plusieurs années. Dans les premiers temps, il ne disait pas cinq phrases… Cela a duré plusieurs mois. De temps à autres j'essayais de le « relancer »… En vain. Alors je me contentais de me faire présent à lui. Dans l'instant. À la fin de chaque séance il me disait : « merci pour votre aide »…
Je me sentais impuissant pourtant. Modestement je me raccrochais à cette petite phrase.
Et puis petit à petit, la parole s'est libérée…
Mais plus d'une fois, j'ai pensé à mettre fin à l'expérience…

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À propos de Jésus qui aurait pu descendre de sa croix…
Intéressant ce que tu écris.
Cependant, personnellement, je m'interroge beaucoup sur le : « il aurait pu le faire »…
Et pour tout dire… Je crois qu'il ne pouvait pas…
Soit il s'agit d'une simple aventure humaine : et donc pas de « pouvoirs magiques »…
Soit il s'agit d'une aventure de Dieu : et dans ce cas c'est ontologiquement impossible…

Le problème n'est-il pas que nous nous projetons dans la psychologie de Jésus ?
La projection est toujours possible !
Mais la réalité du vécu de cet homme/Dieu (pour un croyant)… Personne ne peut la pénétrer vraiment…
Je me souviens d'un texte mystique où il était question de l'extraordinaire bonheur de Jésus sur la croix… (Bonheur qui évidemment n'a rien de masochiste…)