vendredi 23 mai 2014

le pardon: remise en cause...


Quand je suis parfois amenée à parler du pardon avec des personnes qui ont vécu l'innommable, je me sers d'une phrase de Lytta Basset qui dit que sur la croix, Jésus ne pardonne pas à ses bourreaux, mais dit" Père pardonnes leur, ils ne savent pas ce qu'ils font".

Cela a toujours été très important pour moi de constater que Jésus remet le pardon à son Père, ce qui d'ailleurs est conforme à l'écriture, puisque Dieu seul pardonne et que l'on a bien reproché à Jésus de pardonner, comme s'il prenait la place de Dieu.

Mais hier, comme je suis en relation avec une amie qui a été violée par quelqu'un qui avait prémédité son acte, la deuxième partie de la phrase de Jésus, m'a littéralement sauté au visage: qu'en est il de ceux qui savent ce qu'ils font.

Car ce viol était prémédité, l'homme qui l'a perpétré était un récidiviste. Ce fut un viol  "raciste" commis par un musulman sur une femme juive. Par quel miracle s'en est elle sortie, pourquoi le phrase: "je veux revoir mes enfants" a mis fin à son supplice, alors qu'il essayait de l'étouffer, cela reste un mystère. Et comme ce viol était filmé, il est comme un double viol. Il savait tout à fait ce qu'il faisait celui là. Je ne peux pas dire que celui la ne savait pas ce qu'il faisait.

Peut être que des psychologues spécialisés dans les entretiens avec les auteurs d'agressions sexuelles, me diront que de telles personnes vivent un dédoublement de la personnalité quand elle font cela, peut être. Mais un adulte a toujours le choix. Là il a choisi le moment, le lieu, les instruments.. La haine qui était en lui est peut être liée à son enfance, mais ce n'est pas suffisant comme explication.

Que ceux qui ont mené jésus sur la croix étaient (du moins la foule) manipulé par les prêtres, que les prêtres sans le savoir rentraient dans le dessin de Dieu, d'accord (il vaut mieux qu'un homme périsse pour  la nation elle ne périsse pas), d'accord aussi. Mais quand quelqu'un commet le mal qu'en est il du pardon à lui accorder?

Par ailleurs cette amie, qui a eu une éducation chrétienne d'un rigorisme à faire dresser les cheveux sur la tête (l'amour qui permet justement le pardon, cela elle ne connait pas), se sent quelque part coupable de ne pas pouvoir pardonner, parce qu'on lui a inculqué cela"il faut pardonner comme Jésus a pardonné sur la croix". Or comme je l'ai dit, Jésus a demandé à son Père de le faire et ce parce que ces hommes ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Et j'en connais des personnes ayant été violées dans leur enfance auxquelles la seule chose qu'on leur demandait était de pardonner à leur agresseur et de demander pardon pour les déviances que cet acte avait pu provoquer en elle. Cela c'est de la folie et pas de la folie douce.

Alors que répondre? Certes il y a la prière de Jésus: "pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé.. "mais cela pose que question de l'offense. Quand l'offense fait de vous une chose, quand elle vous dégrade, quand elle veut vous déshumaniser, cela n'a rien à voir avec une prise de bec, un mensonge, voire même un vol. Je pense qu'il y faute et faute, offense et offense.

Jésus a donné sa vie pour que les hommes aient la vie. Alors comment vivre cette mort qui est donnée par ce type d'offense qui justement prend votre vie, la considère comme impure, vous considère comme indigne de vivre? Peut-on pardonner?

Il est évident pour moi qu'il y a des actes de cet ordre là qui sont le Mal et qu'il est impossible de pardonner, du moins comme cela, sans qu'un énorme travail se soit fait en soi, mais l'important n'est pas le pardon, mais que la personne puisse sortir de la honte, de la culpabilité, de la souillure, qu'elle puisse sortir de ce statut de victime pour redevenir quelqu'un qui peut dire" Je", qui peut se mettre debout, qui peut couper ce lien qui la relie en permanence à ce "mal faiteur". Ensuite peut être que le pardon sera possible. Si déjà cette personne arrive à sortir de la haine qui a été mise en elle, à se dépêtrer du mal qui a pris possession de tout son être, alors quelque chose de l'ordre de la vie est gagné.

Que le procès puisse rendre une certaine dignité, peut être, je l'espère, mais je n'en suis pas certaine. Et là c'est quelque part le regard social qui vous dit: cet homme va payer, mais si cet homme ne reconnait pas que ce qu'il a fait est le Mal, si lui ne demande pas pardon (ce qui ne veut pas dire qu'il faille le lui accorder ce pardon), se venger n'est pas une solution. Un certaine nombre de chrétiens en s'appuyant sur les évangiles disent que si l'offenseur ne reconnaît pas sa faute et ne demande pas pardon, il n'y a pas de pardon à accorder, ce qui montre l'importance de la parole. Peut être que si l'agresseur demande pardon, il redevient être de parole et cela peut changer le regard que l'on porte sur lui. Il sort de l'animalité pour devenir homme.

Alors est ce possible de pardonner à quelqu'un qui sait ce qu'il fait? Je n'en suis pas sûre.

Et pourtant au fond de moi, je sais que le seul moyen de s'en sortir, de sortir de ce statut de victime qu'il est parfois si difficile de faire reconnaître, c'est de pouvoir se lever, être debout et dire c'est fini, deviens ce que tu veux, mais moi je n'ai plus rien à faire avec toi.

Le lien que tu as crée pour m'assujettir, je le coupe, je suis libre de toi.

Peut etre qu'un jour je te donnerai mon pardon, mais cela c'est une autre histoire.

Les chrétiens disent souvent que c'est parce qu'ils ont fait dans leur vie l'expérience du pardon de Dieu (sa miséricorde, comme si Dieu avait pour fonction de détruire ceux qui ne le connaissent pas et qui ne comprennent pas son amour pour les humains) qu'ils ont compris que Dieu les aimait. C'est certainement vrai pour certains. Mais je ne pense pas que mes enfants ont compris que je les aimais parce que je pardonnais leurs bêtises. Ils ont compris (enfin je l'espère) que je les aimais et que du coup même si je pouvais punir, cela ne rompait pas l'amour qui existait, et que pardonner c'est les regarder comme des êtres en devenir, pas englués dans ce qui a été mal fait.

Mais pour moi, l'amour précède le pardon.

Ce que je veux dire c'est que quand ces personnes détruites peuvent faire l'expérience qu'elles sont aimées telles qu'elles sont, alors leur regard sur elles et sur les autres peut changer. Peut être qu'un pardon peut être donné.

 Mais pour moi l'important c'est peut être que ceux qui se disent enfants de Dieu, prient pour que l'Esprit Saint vienne apaiser, pacifier, purifier, ces personnes détruites. Alors seulement la question du pardon se posera. Elle n'est pas première, elle est seconde. Si Jésus ne nous avait pas aimé le premier, serions nous capables aujourd'hui de pardonner?

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