mardi 6 mai 2014

Oppression

Quand j'ai été chez la thérapeute qui fait les massages shiatsu, elle m'a dit: il n'y a pas de colère en vous, mais de l'oppression oppression que j'ai ressenti jusque dans le poumon droit qui n'arrivait pas à respirer.

J'ai été étonnée par cette capacité de ressentir en elle, ce que je ne ressentais pas en moi, du moins pas consciemment.

La colère, je pense en avoir parlé, elle ne sert à rien, elle use alors elle n'est pas bonne. Aujourd'hui j'aimerai "comprendre" pourquoi cette intervention a foiré (même si je récupère une marche presque normale dans quelques semaines), mais la colère, ça prend la tête et ça ne sert à rien, du moins elle ne m'est pas nécessaire au point ou j'en suis. A la limite "bénir" ce chirurgien est bien plus important en tous les cas pour moi, car cela me permet d'être "debout" en paix.

Je viens de lire une belle phrase de  Madeleine Delbrel: " Il ne nous est pas demandé d'être forts aux moments de souffrance. On ne demande pas au blé d'être fort quand on le broie mais de laisser le moulin en faire de la farine".

Mais l'oppression c'est autre chose. Etre opprimé c'est ne pas pouvoir faire, c'est être restreint dans sa liberté, dans sa manière de vivre, cela évoque la prison. Et avec cette jambe qui ne me permet pas di vivre normalement, je me sens comme emprisonnée dans un corps qui ne se laisse pas ou peu oublier. Il y a tellement de gestes qui restent difficiles, qui exigent des contorsions pour arriver à enfiler par exemple un bas, une chaussure...

J'ai parlé de blessure narcissique parce que ça c'est mon vocabulaire. Oui je suis blessée dans ma représentation au plus profond de moi. C'est dur de se déhancher pour pouvoir marcher, c'est dur quand le mouvements les plus simples font mal , oui c'est dur. Or pour moi qui dit blessure narcissique, dit atteinte au Soi, à l'être profond qui est en soi et il est évident que cette atteinte peut provoquer quelque chose de dépressif.

Or ce dépressif, je l'ai vécu presque plus difficilement que l'atteinte somatique, parce que c'était le temps du carême, le temps de la semaine sainte et que sans cesse se concentrer sur soi, sur son petit "Je " c'est énervant. Car pour moi l'important du travail spirituel c'est de pouvoir se décentrer, ce qui ne veut pas dire mettre à mort le Je qui est en moi, mais le mettre en relation avec le Tu de l'Autre, pour accéder au Nous. Or là, j'ai vécu avec ce Je qui me bouffait littéralement, qui m'oppressait d'une certaine manière.

Comment en sortir, comment guérir de cela, parce que vraiment cette centration quasi permanente est assez insupportable, même si elle ne m'empêche pas d'être en relation avec d'autres.

Au Chemin Neuf, quelqu'un m'avait dit quand je lui parlais de cette souffrance liée à ce relatif échec que je pourrais demander la prière des frères. Bon, alors là, la première réaction a été, parce que je déteste ce vocabulaire de "demande LA prière" une espèce de recul. Recul renforcé par le fait que comme je ne supporte pas les groupes de prières, je ne me sens pas vraiment  en communauté avec eux, alors demander la prière des "frères", pas très honnête si je puis dire.

Bien sur je connais la phrase de l'apôtre Jacques, dans son épitre, qui parle d'onction d'huile pour les frères malades et de prière, mais suis-je malade. Pour moi la maladie c'est ce qui vous cloue au lit, alors d'une certaine manière je ne suis pas malade sauf que ce que je vis c'est un handicap, une infirmité, et une dépression, parce que quand même il faut reconnaître que avoir la larme à l'oeil presque en permanence ce n'est pas "normal", même si c'est compréhensible. La seule chose, c'est que cela ne me dérange pas trop, tant pis pour le regard des autres.

Alors, ça a travaillé, et quand ça travaille il y a un moment où je sais que je peux , que je dois me jeter à l'eau. Cette demande de prière, je l'ai faite, ce qui d'emblée me faisait découvrir que ce n'était pas moi qui guidait, mais moi qui était guidée (j'en ai parlé de ce changement).

Il s'est alors trouvé que les offices de la semaine sainte aux quels je ne pensais pas pouvoir assister ont été célébrés à Tigery et je considère cela comme un très beau cadeau on doit dire une grâce, pour respecter un certain vocabulaire.

La prière des frères je l'ai reçue après l'office du vendredi saint, à l'oratoire qui est un lieu que j'aime parce les fenêtres donnent sur ce magnifique platane qui m'a accompagné durant toute la radiothérapie. Oui, j'ai demandé une guérison, guérison du corps mais aussi guérison de ce centrement sur moi. J'avais en moi deux phrases: "et il les guérit tous", que l'on trouve dans les évangiles de Marc et de Luc, et "il essuiera toutes larmes de leurs yeux " dans l'Apocalypse. La première phrase, mais je n'ai pas été capable de la retrouver telle quelle, évoque des personnes qui mettent au pieds de Jésus tous les éclopés, tous les boiteux, tous les malades, et Jésus qui a comme un tas de malades qui s'empilent de plus en plus, sans se lasser les guéris. Il les guérit tous et cette abondance est quelque chose d'extraordinaire. Et là sur ma chaise, c'était vraiment cela que je ressentais.

Il y a eu un chant en langue, il y a eu je crois quelques versets du psaume 41, la guérison de la belle mère de Pierre, le passage de Pierre dont l'ombre guérit, et une image d'eau pure qui n'est plus entravée par les cailloux. Or cette image là, je la vis depuis que j'ai pu retrouver le chant dans le prière du coeur...

Je n'ai pas ressenti de chaleur, non, simplement des mains, des voix et la guérison (mais peut être que ma foi n'est pas suffisante) ce n'est pas la jambe, mais cette dépression, cette auto centration qui me bouffe, ou qui m'oppresse.

La guérison libère et c'est cela l'important, même si j'ai encore assez facilement la larme à l'oeil, mais pas de la même manière.

Alors....Une guérison, mais est cela l'important. L'important n'est il pas comme le disait une de mes amies d'être sur ce tout ceci pourra avoir un sens, aller vers une libération de ce besoin de contrôler ce que je peux contrôler ou anticiper et donc donc lâcher prise à ce niveau là.




1 commentaire:

AlainX a dit…

Si la colère ne sert à rien… Alors pourquoi existe-t-elle… ?
Pour ma part je crois qu'elle sert à quelque chose. Elle a son utilité, tant dans l'ordre ordinaire que dans l'ordre spirituel…
Crois-tu que les colères de Jésus ne servaient à rien ?
qui plus est elles sont nombreuses…
En tout cas, je n'ai aucun regret pour mes propres colères qui m'ont fait avancer…
Si je ne m'étais pas mis sérieusement en colère contre ce corps qui me lâchait… Je n'en serais pas là…

En particulier il me semble que la colère aide justement à la résolution de l'oppression et à la décentration que tu évoques.

Mais je ne sais pas pourquoi… le concept d'aujourd'hui chez les Cathos est qu'il faut être gentillet tout le temps avec tout le monde…
Ca me semble tellement guimauve... et bien peu évangélique....