lundi 3 septembre 2018

Mt 25: Avisées, prévoyantes, sages?

Les Vierges prévoyantes et les autres: 50/50.. 

Cette parabole débute le chapitre 25, qui est le dernier avant l'entrée "triomphale "dans Jérusalem , et les récits de la passion. Ce chapitre me semble insister très lourdement, à la suite du chapitre 24, qui est un chapitre "apocalyptique" (destruction du Temple, images de fin du monde, antéchrist, persécutions) sur le fait que tout le monde n'entrera pas dans le Royaume à la fin des temps, loin de là.. Et peut-être l'insistance sur "deux hommes seront au champ, l'un sera pris l'autre laissé","deux femmes seront en train de moudre, l'une sera prise l'autres laissée", "Veillez car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra" Mt 24, 40-42 est repris dans ces 10 jeunes filles, dont la moitié sera laissée. . Mais quels sont les critères, cela motus et bouche cousue. Être prévoyant, avoir de l'huile, oui, mais oui mais.. 

SI donc il n'y a que 50% à être sauvé, alors que somme toute, Jésus donne sa vie pour tous, cela montrerait que le salut, on y participe. Et peut-être que les deux paraboles (celle des 10 jeunes filles et celle des talents) insistent sur cela. La dernière parabole, mais en est-ce une, qui insiste sur la charité, permet peut-être aussi de penser que le groupe qui est mis à gauche ne s'attend pas du tout à être rejeté. Alors entrer dans ce royaume n'est pas simple. 

Mais la parabole des 10 jeunes filles me donne du fil à retordre, et ce sont un peu des réactions en vrac que je voudrais mettre dans ce billet. 

Qu'est-ce qu'elles ont de plus, ces cinq qui entrent pour participer à des noces qui ne sont pas les leurs? Certes elles sont été prévoyantes, certes elles répondent au cri (mais les autres aussi), alors pourquoi? Est ce que je risque de trouver porte close? Est ce qu'elles représentent le peuple juif dans son ensemble, dont une partie sera sauvée, l'autre pas? Une partie ouvrira les yeux, sortira de son sommeil, l'autre pas? 

Dans ce petit texte, il y a à la fois du lieu: où vont elles, où dorment elles, où partent-elles ensuite? Cet époux mystérieux, où demeure-t-il? Mais aussi du temporel: Quand est ce que cela se passe? On a l'impression que tout se passe pendant la nuit: on se met en route la nuit, on arrive quelque part, on s'assoupit on s'endort, on est en sécurité, on est réveillé par un cri et on repart encore dans la nuit, sauf que là se pose la question de la lampe qui permet de continuer les chemins dans la nuit. Et il faut partir pour acheter de l'huile (on dirait des piles aujourd'hui) et du coup on se retrouve à la porte. Qu'est ce que certaines possèdent et que les autres ne possèdent pas? 

Je me suis dit qu'il fallait peut-être reprendre la symbolique que pouvaient comprendre les disciples de Jésus. Alors que trouve-t-on? 

On a un époux. Et l'époux, dans le premier testament, c'est Dieu qui épouse Israël. Son lieu de résidence se trouve au dessus des cieux, mais parfois c'est le Temple. Dans le nouveau testament, ce sera Jésus qui épouse son Eglise, ce nouveau peuple. Mais l'époux, celui du Cantique des Cantiques, il est aussi insaisissable. Et il est un peu comme un portier. Il filtre les entrants... Mais il faut arriver au bon moment, il est alors un peu gendarme.  

Cet époux a invité à ses noces, mais ce n'est pas avec ces jeunes filles qu'il va se marier. Elles sont là pour le cortège, ou pour la future reine, mais ça, on ne le sait pas. Elles sont vierges, donc symbole de pureté. On sait qu'elles prennent leur lampe, et la lampe, peut-être que c'est la Loi ou toutes les paroles rapportées dans la Bible: "Ta parole, une lumière sur ma route", et on peut penser au psaume 118-119, lu par les juifs en entier à chaque Sabbat. Alors la lampe ce serait la loi qu'elles connaissent par cœur, mais connaître la loi et en vivre, c'est sûrement différent.

On sait aussi que la moitié du groupe est prévoyante et prend de l'huile (au cas où), donc se charge d'un certain poids. Elles s'encombrent de bouteilles (certainement des amphores, donc assez lourdes). La lampe en poterie est lourde elle aussi, alors les prévoyantes sont plus chargées que les autres, qui peuvent peut-être étant moins chargées aller plus vite. Mais l'huile peut faire référence à un psaume: "Qu'il est bon pour des frères d'habiter ensemble, c'est comme une huile qui descend sur la tunique d'Aaron". Et là, c'est la fraternité, dont il sera question dans le dernier texte du chapitre 25. 

Mais l'huile peut avoir une autre signification; dans le Temple, la lampe doit brûler sans arrêt, et c'est le travail du prêtre de veiller à ce que la lampe soit remplie d'huile et brûle, à la fois pour manifester la présence de Dieu, mais peut-être aussi de la prière: Ex 27, 20 "Et toi tu ordonneras aux israélites de te procurer de l'huile d'olives broyées pour le luminaire, afin qu'une lampe brûle en permanence". Il y a aussi l'huile pour la lampe, l'huile pour l'onction. 

Si on reprend l'histoire, les voilà en route, et logiquement les voilà qui arrivent à l'endroit où la noce doit avoir lieu. Seulement l'époux n'est pas là. Alors on nous dit qu'elles s'assoupissent et s'endorment, et que c'est la nuit. On peut supposer qu'elles ne dorment pas à la belle étoile. Cela me fait un peu penser à "La belle au bois dormant"; mais là ce n'est pas un baiser qui les réveille, mais un cri, qui les met debout: " L'époux est là, sortez , allez à sa rencontre". Si on suit la logique du texte, elles sont à l'intérieur d'un lieu, à l'abri, et là il leur faut braver l'inconnu de la nuit, pour aller à la rencontre de l'époux qui est encore ailleurs. Il n'est vraiment pas facile à rencontrer cet époux, tout l'effort vient des jeunes filles. Et il va falloir marcher à nouveau dans la nuit. Comme si lui ne pouvait pas venir à leur rencontre. Vraiment "mal élevé cet époux".

Et c'est là qu'une partie d'entre elles, celles qui avaient voulu voyager léger, se rendent compte qu'il n'y a plus assez d'huile dans leur lampe, que la lampe s'éteint, et peut-être qu'elles s'en mordent les doigts. Mais les autres ont de l'huile en plus! Alors elles demandent, et elles tombent sur un bec. Ce qui pose quand même question au niveau de la fraternité.

Quelle est cette huile, qu'on ne peut pas partager? Que l'on peut aller acheter chez les marchands (marchands du temple)? Qu'est ce que Jésus veut faire comprendre? Il y a une partie du peuple juif (parce que c'est pour eux que Matthieu écrit) qui en est peut-être resté à la Loi, mais qui n'a pas entendu les Béatitudes, cette Loi nouvelle, un peu comme le vin nouveau, qui change le cœur de l'homme, mais le cœur, même changé, je ne sais pas si on peut le partager. 

Mais surtout il y a les termes employés pour décrire ces jeunes filles. Il y a: prévoyante, sage, avisée qui s'oppose à imprévoyante, sotte, insensée. Le mot grec utilisé ne renvoie pas à la Sagesse avec un S majuscule (Sophia). Mais, dans le livre des proverbes, le sot, l'insensé, est toujours opposé au sage, à celui qui travaille pour avoir la sagesse en lui, qui y travaille même jour et nuit. Alors peut-être que si elles sont prévoyantes, c'est parce que la Sagesse, c'est-à-dire la présence de l'époux (même s'il est absent), est déjà là. 


Peut-être qu'il faut reprendre un autre terme, remplacer "prévoyantes" par "sages". Dans la Bible de Jérusalem, c'est un mot que l'on trouve très fréquemment dans le livre des Proverbes, Pr 21, 20: "Il y a un trésor et de l'huile dans la demeure du sage, mais le sot les engloutit". Et cette sagesse là, que certaines ont et d'autre pas, elle ne peut pas se partager. Je ne sais si on peut se la procurer chez les marchands... d'après Jésus, c'est possible, mais il y a un temps qui a été manqué par une partie du groupe, et ce que Jésus dit, comme Paul le dira, c'est qu'il y a un moment favorable. La parole a été entendue, mais elle n'a pas porté ses fruits. Et la seconde parabole montre bien que pour entrer dans le royaume il faut mettre la main à la pâte.

Alors peut-être que cette histoire est là pour dire que connaître la loi c'est bien, mais pas suffisant. La sagesse qui vient de Dieu donne un autre éclairage, et cette sagesse-là est don. A nous de demander cette onction, et de ne pas pas craindre de nous charger de la lampe et aussi de l'huile, et de marcher vers celui qui est la Lumière.

N'empêche que d'un point de vue de justice (et c'est la question du salut) je ne suis pas satisfaite.


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