mercredi 16 septembre 2020

Notre dame des sept douleurs - 15 Septembre.

Texte écrit en deux, voire en trois temps:

Premier temps, analyse (si on veut) de ce court texte. 

Deuxième temps, la nuit, mais aussi cet autre évangile du même jour, la résurrection du fils de la veuve de Naïm (la résurrection du fils de la veuve de Nazareth)..

Troisième temps: Marie raconte..

MARDI 15 SEPTEMBRE. JN 19, 25-27 

 

2 5 Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine.

 

 Très étonnant cette sœur de Marie, surtout que les apocryphes nous parlent d'une stérilité et de parents âgés. Alors peut-être une cousine. Intéressant aussi: on ne donne pas le nom d'un village (comme pour Marie "de Magdala"), mais le nom d'un homme.  On a donc là une représentation aussi de la famille de Jésus. Une mère, des tantes, des oncles, (des frères mais ça on le sait depuis longtemps), une disciple.  On a là un trio "classique" autour de celui qui va mourir, mais il ne meurt pas dans son lit.. Ce qui est étonnant aussi ce sont les trois Marie.. Une femme ou trois femmes. Trois visages d'une même femme. Cela pourrait même en faire quatre, en fonction de la ponctuation. Mais je préfère le trio..

 

On peut parler d'un quatuor, muet.  Jésus et les trois femmes. 

 

Et ça passe au trio, et ça parle... Jésus enlève la mère du trio précédent pour la mettre en relation avec un autre instrument. On pourrait vraiment faire chanter cela. 

 

26 Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait

dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » 

 

Et là apparition d'un couple, alors qu'il n'y avait qu'une trinité de femmes un peu indifférenciées. Une parole qui donne vie. Donc ce trio féminin, et ce passage au couple, mais un couple avec normalement différence des générations et des sexes. On passe de 3 à 2. Le disciple qu'il aimait, qui contrairement à ce qu'écrit St Bernard ne peut pas être le fils de Zébédée.  Et du coup, il y a rupture du trio pour passer à autre chose. 

 

A la limite, le trio des trois femmes, c'est presque l'ancien, la famille, le classique; et Jésus trouve moyen de casser cela. Ce n'est pas à une autre femme qu'il confie sa mère, mais à un homme.  Quelque chose se ferme, quelque chose s'ouvre, et il s'adresse en premier à sa mère: un peu comme à Cana. "Voici ton fils": comme Jean le Baptiste disait en montrant Jésus "Voici l'agneau de Dieu". Donc ce disciple, ce disciple aimé, prend une autre dimension. Il devient fils, il remplace le Fils, qui lui va rejoindre le Père. 

 

27 Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui.

 

 Et pour refermer ce qu'il vient d'ouvrir, il y a le "voici ta mère". Mais surtout quelque chose qui se passe pour le disciple (dont par ailleurs on ne sait rien, quant à sa famille), parce que pour Jean, l'heure peut bien être commencement, naissance. 

 

Alors il y a trois femmes. Qui doivent faire corps et qui doivent logiquement prendre soin de la mère.

 

On a un Fils qui va rejoindre le Père. 

 

On a un couple qui est formé. Une  femme qui devient nouvelle mère, un homme qui gagne une mère, qui devient fils et qui commence une nouvelle vie. 

 

Dans ce qui se crée au moment de la mort, quelque chose de la vie advient. Et peut-être que pour de vrai, le disciple orphelin (comme l'humanité) reçoit en cadeau une mère, et que la mère qui perd son fils, reprend la fécondité qu'elle aurait pu sentir lui être enlevée. 

 

Je ne nie pas du tout la douleur des uns et des autres, mais je regarde cet échange. Ce passage qui est provoqué par la mort, mais aussi par la Glorification.

 

Marie dit tout haut ce qui se passe au dedans

 

Jour de désolation. Jour de hurlement, jour le plus abominable de ma vie.

 

Il est là, il est entre deux voleurs, deux criminels, lui qui n'a rien fait. Son corps, ce corps que j'ai soigné, lavé, aimé, il est en sang. Il y a des mouches partout, sur son visage, sur son torse, sur ses pieds, et je ne peux rien faire. 

 

Il est déjà presque mort, mon tout petit, mon fils, le fils du Très Haut. Et moi je suis là, avec ma parente, avec la femme de Cléophas, avec son amie à lui - cette Marie de Marie de Magdala. Nous ne pleurons pas, parce que nous ne voulons pas donner ce plaisir aux soldats romains qui nous narguent. Je sais qu'elles vont prendre soin de moi, qu'on retournera à Nazareth, mais là, je serai la mère du condamné, de celui qui a voulu changer le monde, qui n'est pas resté à sa place de fils de Joseph. Cela je le sais, et ça crie en moi, je voudrais tellement être, moi, à sa place. Et je n'oserai pas sortir: il y aura des regards en coin, des regards mauvais. Et il faudra vivre avec ça.

 

Et puis, il y a ce jeune homme que mon Fils semble tellement aimer qui est là aussi, et je me demande comment il a fait pour s'approcher aussi près. Les soldats n'aiment pas ça. Et lui aussi il regarde mon fils. Il faut du courage pour être là. Il me semble qu'il y a des larmes qui coulent sur son visage. 

 

Et d'un coup, la voix de mon fils - et je me demande comme il trouve la force de parler. J'entends sa pauvre voix éraillée qui me dit  "Femme voici ton fils" et qui dit à Jean, son disciple "Voici ta mère". 

 

Alors nous nous sommes regardés tous les deux. Moi la femme qui voulait rester droite, et lui je jeune qui me regardait. Et j'ai compris.

Non, je ne retournerai pas à Nazareth; ce jeune homme me prendra chez chez lui, je deviendrai une mère pour lui, il sera un fils pour moi. Jamais il ne remplacera mon fils, jamais moi je ne remplacerai ou prendrai la place de sa mère, mais à nous deux, nous ne laisserons pas mourir la flamme, nous serons des témoins. 

 

Et peut-être même... parce qu'au fond de moi résonnent ces mots que mon fils disait et redisait: qu'il serait condamné, qu'il serait rejeté, mais qu'il reviendrait à la vie. 

Et que ce jour là, il serait tout en tous. Je sais que nous serons les premiers à entrer dans cette vie autre qu'il promettait; non: qu'il promet. 

Car la mort n'aura pas la victoire. Il est le Vivant, alors que ses yeux se sont fermés, et qu'il a perdu son souffle. 

 

Il est mort, et je suis là, avec un fils. Et J'attendrai, nous attendrons, qu'il se lève dans la Lumière. 

 

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